Cass. soc. 30-3-2022 n° 20-15.022
Rien de nouveau mais il n’est jamais inutile de le rappeler : le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, si ce temps de trajet dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit :
donner lieu à contrepartie en repos ou financière, fixée par accord d’entreprise ou à défaut de branche, ou à défaut, par l’employeur après consultation du CSE ;
n’entrainer aucune perte de rémunération si la part de ce temps coïncide avec l’horaire de travail .
Au cas particulier, un syndicat avait contesté la contrepartie financière prévue unilatéralement par l’employeur pour compenser le dépassement du temps normal de trajet pour les salariés ne travaillant pas habituellement dans leur agence de rattachement.
La cour d’appel, jugeant ces contreparties dérisoires avait invité l’employeur à adopter de nouvelles dispositions sur ce point.
Dans le cadre de son pourvoi, l’employeur faisait valoir qu’il n’appartient pas au juge d’en apprécier le caractère suffisant.
La question qui s’est posée était donc celle de savoir qui pouvait apprécier le caractère raisonnable et suffisant de la contrepartie accordée par l’employeur en cas de dépassement du temps normal de trajet ?
La Cour de cassation est formelle : le juge en a la possibilité.
La Cour de cassation a en effet considéré que les juges du fond avaient pu juger que les contreparties sous forme financière du temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par l’employeur, méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions légales.
La Cour de cassation va plus loin et affirme que les juges du fond étaient donc légitimes à ordonner à l’employeur, en conséquence, de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail, tel qu’ils l’avaient défini.
Recommandations : Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation considère qu’il appartient aux juges du fond de fixer le montant de la contrepartie financière, lorsque celle-ci n’est définie ni par un accord collectif ni par un engagement unilatéral de l’employeur. On note toutefois qu’elle leur reconnaît désormais le pouvoir d’apprécier le caractère suffisant de la contrepartie définie par l’employeur et de lui imposer, si tel n’est pas le cas, de mettre en place un nouveau système. Le temps de trajet n’est pas chose aisée et il n’est pas inutile de se rapprocher des représentants du personnel pour déterminer le montant de la contrepartie financière à accorder aux salariés afin d’anticiper toute difficulté et d’encadrer cette situation. Surtout, il existe de nombreux indicateurs permettant à l’employeur de déterminer la « norme » en terme de temps de trajet (on pense aux données de l’INSEE qui sont établies par région notamment), et ainsi d’apprécier la contrepartie financière à fixer.