Cass. soc. 15-6-2022 n° 21-10.366 F-D
Le Code du travail impose aux représentants du personnel de respecter une obligation de discrétion.
Le respect de cette obligation est justifié lorsque les représentants du personnel ont accès, dans le cadre de leurs mandats, à des informations à caractère « sensible », et « présentées comme telles par l’Employeur ».
Cette obligation a du sens dans la mesure où elle vise à protéger les intérêts légitimes de l’entreprise et donc a pour objectif d’éviter toute « fuite » d’informations stratégiques.
La violation de l’obligation de discrétion par un représentant du personnel n’est pas sanctionnée sur le plan pénal contrairement à la violation du secret professionnel.
En revanche, l’auteur de l’indiscrétion commet une faute, engageant sa responsabilité civile et serait susceptible d’encourir :
Des sanctions civiles, à savoir le versement de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
Une sanction disciplinaire pouvant aller d’un simple avertissement à la mise en œuvre d’une procédure de licenciement.
Au cas particulier, l’affaire concernait un salarié titulaire de plusieurs mandats de représentant du personnel, dont celui de membre du Comité d’Entreprise Européen. Pour préparer une réunion du Comité portant sur la situation financière de l’entreprise, le salarié avait préparé une liste de questions.
Il lui était reproché d’avoir rédigé cette liste sur l’ordinateur portable du comité, et non sur le téléphone sécurisé mis à sa disposition par l’employeur. Il avait ensuite transféré le document sur la clé USB du comité et l’avait imprimé sur l’imprimante d’un hôtel, et non sur un ordinateur de l’entreprise permettant une impression sécurisée à distance. Ainsi, il avait pris le risque que des tiers accèdent à ces informations, présentées comme confidentielles par l’Employeur.
Le salarié avait donc fait l’objet d’un avertissement, dont il demandait l’annulation devant le juge. Il soutenait qu’il n’avait pas manqué à son obligation de confidentialité, mais seulement qu’il avait seulement méconnu les règles de sécurité informatique internes à l’entreprise.
La Cour de cassation ne suivra pas le raisonnement du salarié et rappelle le principe selon lequel revêtent un caractère confidentiel les informations qui sont présentées comme telles par l’employeur afin de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise.
C’est en toute logique qu’il appartient alors à l’employeur d’établir le manquement du salarié.
Recommandations : Pour interdire aux représentants du personnel de diffuser une information, celle-ci doit présenter un caractère objectivement confidentiel et ledit représentant doit avoir préalablement été informé de cette confidentialité renforcée. C’est le cas lorsqu’elle n’est pas déjà connue du public ou du personnel ou que sa divulgation pourrait nuire aux intérêts légitimes de l’entreprise. Même si dans l’immense majorité des cas, les acteurs font preuve de responsabilité sur les sujets confidentiels, il paraît néanmoins important de sensibiliser les représentants du personnel sur leurs obligations. Rappelons tout de même que la confidentialité reste, dans tous les cas, attachée aux informations que les représentants du personnel détiennent dans le cadre de leur mandat, et on peut donc regretter que la Cour de cassation insiste sur la nécessité d’avoir préalablement informé le représentant du personnel de son obligation de confidentialité pour que celle-ci lui soit opposable.