Mise à pied à titre conservatoire et faute grave : une renonciation en cours de procédure est possible !

Mise à pied à titre conservatoire et faute grave : une renonciation en cours de procédure est possible !

Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-18.717

 

La mise à pied à titre conservatoire doit se distinguer de la mise à pied à titre disciplinaire, la seconde étant une sanction disciplinaire alors que la première est une mesure temporaire attachée à la procédure de licenciement.

 

  • La mise à pied à titre conservatoire n’est pas une sanction mais elle représente une mesure importante puisqu’elle prive le salarié de sa présence au sein de l’entreprise au cours de la procédure et doit donc être justifiée par des manquements suffisamment graves.
  • Elle doit, par ailleurs, être prononcée concomitamment à l’engagement de la procédure de licenciement et être justifiée par une faute grave, à défaut de quoi le licenciement est privé d’effet.

La question, assez nouvelle, qui était posée à la Cour de cassation était celle de savoir si l’employeur pouvait, en cours de procédure, renoncer à la mise à pied à titre conservatoire tout en maintenant la procédure de licenciement initiée.

Cette question fait sens dans la mesure où la jurisprudence est très réticente à accepter le paiement de la mise à pied à titre conservatoire, surtout lorsque la faute grave est maintenue à l’issue de la procédure, requalifiant dès lors régulièrement celle-ci en mise à pied à titre disciplinaire.

Or au cas particulier, un salarié avait été mis à pied à titre conservatoire et immédiatement convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, puis licencié pour faute grave.

Ce salarié avait, pourtant, postérieurement à la notification de sa mise à pied, continué à travailler, en effectuant des déplacements, en adressant des courriels allant jusqu’à établir une procuration en qualité de directeur général de la Société.

  • Les juges du fond ont considéré que cette interruption de la mise à pied à titre conservatoire valait renonciation de l’employeur et devait conduire à requalifier cette mesure en mise à pied à titre disciplinaire, de sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus être sanctionnés et que le licenciement devait être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
  •  La Cour de cassation n’est pas de cet avis et s’appuie sur la nature même temporaire de cette mesure pour justifier son raisonnement : l’employeur peut parfaitement renoncer à la mise à pied à titre conservatoire en cours de procédure de licenciement sans priver le licenciement de son effet.

Recommandations : la mise à pied à titre conservatoire est une mesure privative des droits du salarié et doit donc être utilisée avec prudence par l’employeur dans la mesure où elle entraine nécessairement la qualification d’une faute grave. Attention toutefois, l’inverse n’est pas vrai puisque la faute grave ne nécessite pas nécessairement le prononcé préalable d’une mise à pied à titre conservatoire, bien que comme nous l’ayons vu dans le cadre du « journal des Eseïssiens », de nombreuses juridictions considèrent désormais que les deux sont intrinsèquement liées.

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