Défenseur des droits & harcèlement sexuel / discrimination : enfin une feuille de route pour les enquêtes internes !

Défenseur des droits & harcèlement sexuel / discrimination : enfin une feuille de route pour les enquêtes internes !

Décision-cadre n° 2025-019 du 5 février 2025

Face au constat de la persistance des faits de harcèlement sexuel ou de discrimination dans les entreprises, de la disparité des enquêtes internes menées par les entreprises et de l’insécurité juridique résultant du silence des textes, le Défenseur des Droit a souhaité adresser aux employeurs ses recommandations.

  • La méthodologie proposée peut être adaptée dans les petites et très petites entreprises ne disposant pas de moyens humains ou matériels suffisants.

La décision-cadre guide les employeurs dans la mise en place de dispositifs d’écoute et de recueil des signalements.

  • Elle rappelle que la mise en place d’un dispositif de recueil des signalements est prévue en matière de discrimination par l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 relatif au harcèlement et à la violence au travail (art. 4, § 2 ; étendu par arrêté du 23 juillet 2010, JO du 31).

La décision-cadre préconise la mise en place d’une cellule d’écoute et d’un dispositif de signalement.

  • Cette cellule doit être accessible via différents canaux, aux candidats en cours d’embauche en dissociant cellule d’écoute et de signalement et en formant ses membres.

En synthèse (source Revue fiduciaire) :

Décision-cadre n° 2025-019 du 5 février 2025 : recommandations de la Défenseure des droits sur l’enquête conduite à la suite d’un signalement de discrimination ou de harcèlement (1)

Méthodologie

• Définir une méthodologie d’enquête et de la formaliser, après avoir informé le CSE (recommandation n° 15).

• Retranscrire chaque étape de l’enquête par écrit dans la perspective notamment d’un éventuel contentieux (recommandation n° 16).

Information de l’ouverture d’une enquête

• Informer de l’ouverture de l’enquête (recommandation n° 17) :

  • la personne ayant signalé les faits,
  • la victime présumée,
  • et la personne mise en cause, sauf s’il existe un risque de pression de la part du mis en cause sur les victimes présumées et/ou les témoins.

Obligation de confidentialité

• Rappeler l’obligation de confidentialité par écrit à l’ensemble des personnes concernées (recommandation n° 19).

• Faire signer une attestation de confidentialité aux personnes auditionnées et aux enquêteurs (recommandation n° 19).

Choix de l’enquêteur

• Confier l’enquête à au moins 2 personnes, dans un souci notamment de confidentialité (recommandation n° 21).

• Ne pas faire pression sur l’enquêteur interne ou externe (recommandation n° 20).

• Choisir des enquêteurs :

  • externes au service dans lequel les faits signalés se sont déroulés dans un souci notamment de neutralité et d’impartialité (recommandation n° 23) ;
  • détenant une formation juridique sur les discriminations au travail et le harcèlement sexuel (recommandation n° 25).

Personnes à auditionner

• Doivent être auditionnés (recommandation n° 27) (2) :

  • la victime présumée (3),
  • la personne mise en cause (3) (4), en dernier ;
  • les témoins pertinents, y compris les témoins indirects ;
  • les témoins cités par la personne mise en cause, sous réserve de l’appréciation des enquêteurs ;
  • les responsables hiérarchiques directs de la victime présumée et de la personne mise en cause.

• Peuvent être auditionnés (5) :

  • le médecin du travail,
  • d’anciens collègues,
  • les représentants du personnel ou l’inspection du travail peuvent aussi être entendus.

Conditions de l’audition

• Accepter que la personne auditionnée :

  • qui le souhaite soit accompagnée par un représentant du personnel ou un interprète lors de l’audition, pourvu que l’accompagnateur conserve une posture de retrait et ne réponde pas à la place de la personne entendue (6) ;
  • qui le demande puisse rester anonyme, une version non anonymisée devant être conservée en cas de contentieux (recommandation n° 32).

• Choisir un lieu pour le déroulement des auditions permettant de :

  • garantir la confidentialité des échanges,
  • et d’éviter les risques de pression sur les personnes auditionnées, voire les ententes entre ces dernières (proscrire les entretiens dans des lieux publics tels que des cafés, bibliothèques, etc. et éviter les entretiens dans des open-space, dans des lieux de passage, des salles de réunions vitrées, etc.).

Recueil des éléments laissant supposer la discrimination ou le harcèlement sexuel

Les enquêteurs doivent s’attacher à recueillir le maximum d’éléments de nature à éclairer la réalité des faits signalés (7) (recommandation n° 31).

Rédaction des PV d’audition

• Retranscrire les auditions dans un compte rendu de façon quasi exhaustive, dans un souci de traçabilité et d’opposabilité (8) (recommandation n° 33).

• Soumettre le compte rendu à la relecture et à la signature de la personne auditionnée (recommandation n° 33).

Rapport d’enquête

• Exposer (recommandation n° 34) :

  • les faits allégués et leur signalement,
  • les mesures de protection mises en œuvre,
  • les étapes de l’enquête,
  • les difficultés rencontrées au cours de l’enquête (refus d’audition, incohérences d’un témoignage…),
  • les éléments de présomption recueillis,
  • les justifications de la personne mise en cause,
  • les propositions de qualification juridique des agissements dénoncés,
  • les mesures de traitement de la situation proposées.

• Communiquer une synthèse du rapport d’enquête à la victime présumée (recommandation n° 38).

• Conserver le rapport d’enquête (recommandation n° 35).

• Informer le mis en cause et les témoins de la fin de l’enquête.

(1) Principales recommandations.

(2) Le choix des personnes à entendre doit pouvoir être expliqué en cas de recours.

(3) Si la victime présumée ou le mis en cause est en arrêt maladie, l’audition doit être proposée (recommandation n° 28).

(4) La Défenseure des droits adopte ici une position différente de celle de la Cour de cassation (cass. soc. 17 mars 2021, n° 18-25597 FSPI ; cass. soc. 12 juin 2024, n° 23-13975 FSB).

(5) Si leur audition est de nature à apporter des éclaircissements complémentaires.

(6) Si l’enquête est menée par un avocat, la présence d’un confrère ou d’une consœur assistant la personne auditionnée ne peut être refusée.

(7) Étant rappelé que les règles régissant l’obtention d’une preuve doivent être respectées et que les enregistrements clandestins sont admis comme preuve sous certaines conditions (décision-cadre p. 35). Le recours à un enregistrement est possible à condition d’en informer la personne auditionnée.

Recommandations : nul doute qu’il est important d’appréhender ces recommandations qui, si elles n’ont pas force de loi, seront certainement utilisées par les juges eux-mêmes comme étant un référentiel pour apprécier si l’employeur s’est comporté ou non en bon père de famille dans le déroulé de l’enquête, s’il décide de la conserver en interne. Ce guide permet, pour la première fois, d’être le socle d’une enquête dont les contours restaient incertains, face aux comportements déviants auxquels sont confrontés les services des ressources Humaines.

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