Médecin du travail & télétravail : l’employeur contraint ?

Médecin du travail & télétravail : l’employeur contraint ?

Cass soc 13 nov. 2025, no 24-14.322

Depuis le Covid, il ne se passe pas une journée sans que l’employeur entende parler du télétravail, véritable mode d’organisation de certains postes dorénavant.

De nombreuses questions restent en suspens, notamment s’agissant de l’adéquation entre l’agencement du domicile du salarié et les contraintes opérationnelles.

Mais le Médecin du travail lui-même a intégré ce mode d’organisation dans les données médicales, de nombreux avis rendant désormais celui-ci obligatoire.

Rappelons que :

  • Le médecin du travail a la possibilité de proposer des mesures d’aménagement du poste de travail au regard de son état de santé ;
  • De son côté, l’employeur est tenu de prendre en compte les propositions du médecin du travail, il en va du respect de son obligation légale de sécurité ;
  • En cas de refus, l’employeur doit faire connaître au salarié et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite ;
  • En cas de désaccord, le Conseil de prud’hommes est compétent.

Au cas particulier, le médecin du travail avait préconisé du télétravail au domicile de la salariée.

  • L’employeur s’est opposé à cet aménagement au motif que la salariée lui avait refusé l’accès à son domicile et qu’il n’avait pas pu s’assurer que celui-ci permettait le télétravail en conformité avec les règles de sécurité.

La salariée a alors saisi les juges pour demander des dommages-intérêts en considérant que son employeur avait ainsi manqué à son obligation de sécurité.

  • Le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel avait débouté la salariée, considérant qu’aucun manquement ne pouvait être reproché à l’employeur dans la mesure où c’est la salariée elle-même qui a refusé l’accès au domicile.
  • La Cour de cassation rappelle que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile : or, le domicile du salarié bénéficie de la même protection que tout autre domicile au titre de la vie privée.

L’usage fait par le salarié de son domicile relève donc de sa vie privée, il est en droit d’en refuser l’accès.

Dès lors, pour la Cour de cassation, l’employeur aurait dû exercer son droit de recours auprès du conseil de prud’hommes pour contester le télétravail préconisé par le médecin du travail. À défaut, l’employeur ne pouvait pas s’opposer au télétravail au seul motif que le salarié lui avait refusé une visite de son domicile.

Recommandations : nul doute que cette situation reste surprenante dans la mesure où le délai de recours contre un avis médical est très court (15 jours) et que l’employeur n’avait donc peut-être pas pu anticiper le refus de la salariée, se retrouvant dès lors face à un avis médical devenu obligatoire, dans un délai dont tous les opérationnels s’accorderont à dire qu’il est difficilement tenable. Mais rappelons également que l’accès au domicile n’est pas le seul moyen de remplir son obligation de sécurité : l’employeur peut notamment mettre en place, pour pallier les visites, des actions de formations et de prévention, ou demander des attestations par le salarié pour confirmer la conformité du domicile aux exigences de sécurité (bien que cette attestation fait à soi-même reste délicate). Dans tous les cas, la contestation des avis médicaux permet souvent de renouer le dialogue avec le médecin du travail en l’invitant à revoir sa copie, surtout lorsqu’il n’a pas mené l’étude de poste pourtant obligatoire.

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